Plusieurs témoignages directs et indirects l'affirmaient un peu partout dans Abandon...
- Ah, mais quelle horreur!
- Noooooonnnnn...
- Si, mais si, je vous assure!
- Et elle aurait une queue de rat d'au moins un mètre de long!
- Nan mais vous avez vu ses dents???
- Ah je suis désolé madame, mais elle n'a pas de dent, je le sais bien, c'est mon voisin qui l'a vue le premier!
- Et qu'est-ce qu'elle pue!
- Et ses habits...
- Ah oui, on dirait de véritables guenilles!
- L'autre jour elle est venue à l'hôtel, elle voulait me payer en cailloux!
- N'importe quoi...
- Je vous le fais pas dire, je l'ai mise à la porte!
La rumeur enflait si bien qu'elle parvint rapidement aux oreilles d'un chat et d'une petite fille, assis sous les bancs de l'université... D'une jeune femme blonde tout de blanc vêtue... D'un repris de justice accoudé au comptoir... Et même d'un troll à qui rien ne semblait échapper...
La rumeur parvint même aux oreilles du principal intéressé...
Brararoum...
fut sa seule réponse, ponctuée d'un la majeur plus puissant que jamais, résonnant bruyamment au beau milieu de la station d'épuration...
Air d'incompréhension et d'innocence la plus totale, semblant ne rien comprendre de tout cela, et s'en fichant éperduement...
Mais à la nuit tombée, seul dans le noir, un regard perçant embrasa les ténèbres.
Oh oui, bouraroum, oh oui...
Nul ne vit plus la créature au cours de la journée suivante. Pourtant elle se rendit bien à Abandon... Quelques repérages... Des tarifs, des objets...
Peu à peu l'idée prenait forme...
Plus que quelques détails à régler...
La matière première. Pas nécessairement la plus simple à trouver, les quotas étant assez strict dans la province...
Un achat s'imposait.
Trouvé, houroum!
Le surlendemain, deux pièces de métal dépassaient des frippes du "rat géant", comme s'amusaient à le nommer les nombreux badauds...
Pourtant, Urzah fit l'effort de se montrer en public, vilipendé, rudoyé, certains enfants lui jetant des pierres.
Urzah pleurait, puis riait niaisement en voyant un petit chien, jusqu'à ce que celui-ci ne le morde sur l'ordre de son maître, et pleurait encore en produisant ses désormais célèbres barrissements monocordes...
Nulle trace d'intelligence, seule une candeur teintée de douleur... Incompréhension la plus totale...
Ce jour-là, Urzah se permit même de donner des cours à l'université, seul établissement où il se sentait autant à l'aise que dans la station d'épuration...
Et pourtant, Urzah s'apprêtait à travailler ailleurs... Deux ou trois longues journées l'attendaient à présent, probablement mal payée...
Et dans la noirceur de la station...
Vous verrez, brakatoum...